Les lectures de Mina Strogoff

posté le 13-08-2020 à 19:28:29

Confidences à Allah - Saphia Azzedine

"Pardon Allah, de Te parler aussi crûment mais comme Tu entends tout ce qu'on pense au plus profond de nous, ce n'est pas un ou deux mots déplacés qui vont T'offusquer, n'est ce pas? Je fais des choses horribles mais je ne cesse de me confier à Toi. Toi le Pur. Mais c'est logique, il n'y a qu'un Pur qui puisse guider une impure comme moi. Je Te parle  comme ça vient mais je Te respecte, Tu le sais.

J'ai envie de pleurer, là."

 

 

Editions J'ai lu. 127 pages. 

 

Ce court roman met en scène Jbara, une petite bergère qui vit dans la misère, dans les montagnes du Maghreb. Enceinte après d'être prostituée, elle est chassée par son père et se retrouve livrée à elle même. Elle trouve un emploi de bonne pour survivre, subit des maltraitances et des violences sexuelles avant de finalement se marier. Comme son titre l'indique, le récit est raconté sous la forme d'une confidence à Allah, qui semble être le seul à qui Jbara accepte de s'ouvrir.

 

Je suis très mitigée à propos de ce texte. Je le trouve poignant dans le sens où Jbara est issu d'un milieu extrêmement pauvre, enchaîne les épreuves et malgré cela, conserve une fois innébranlable en Allah; qu'elle refuse de voir comme responsable de ce qui lui tombe dessus. En cela, ce livre propose de responsabiliser les humains et de cesser de culpabiliser Dieu. Le questionnement est intéressant mais, étant athée, j'ai du mal à comprendre comment la croyance en un Dieu interventionniste comme Allah peut cohabiter avec une réelle responsabilisation des humains. Mais c'est un autre débat.

 Autre point, Jbara dit à un moment qu'elle ne sera dans aucun souvenir, ce qui montre bien son sentiment de solitude en plus de l'indifférence dans laquelle les personnes de sa condition souffrent et meurent.

 

Ce qui m'a posé problème dans ce roman, c'est le vocabulaire extrêmement cru. Le parti pris par Saphia Azzedine était de se mettre dans la peau d'une jeune fille entre 16 et 20 ans, extrêmement pauvre, ayant peu d'éducation mais beaucoup de colère et de rancoeur. L'emploi de la première personne ainsi que la vulgarité du langage rendent le personnage très crédible et en cela, le pari est réussi. Mais pour ma part, j'ai eu du mal à passer outre le vocabulaire ordurier. L'idée de départ d'une confidence à Dieu m'a plu; mais je n'ai pas ressenti d'empathie pour cette jeune fille et suis restée sur ma faim. Dommage.

 

 


 
 
posté le 31-07-2020 à 20:48:50

Les femmes de l'Islam. Tome 2 : Fatima - Marek Halter

"-Ne quitte pas ton père, Fatima, mon ange! Jamais, jamais ... Tu es forte comme dix garçons. Aime ton père, protège-le comme je l'ai aimé et protégé. Promets-moi ma Fatima d'amour. Promets-moi!"

 

 

Editions J'ai lu. 380 pages. 

 

A sa mort, Khadija fait promettre à sa fille Fatima de toujours veiller sur son père; Muhammad ne bénéficiant plus de la protection de son épouse issue d'une famille influente. A La Mecque, l'hostilité des polythéistes envers le Messager d'Allah se fait de plus en plus sentir, à tel point que ce dernier décide de prendre la direction de Médine (anciennement Yatrib) en 622. C'est l'Hégire, qui marque le début du calendrier musulman. Cependant, la péninsule arabique est divisée entre polythéistes et monothéistes; et la divergence entre sunnites et chiites commence à s'esquisser.

 

Après le coup de coeur qu'avait été le tome 1 sur Khadija, je m'étais demandée si les autres livres seraient à la hauteur de mes attentes. Même si ma préférence va toujours au premier, la magie a opéré dés les premières lignes avec ce nouvel opus. L'écriture de Marek Halter est toujours aussi vivante et addictive, les personnages sont de nouveau très bien développés et le dépaysement est total.

 

Fatima se sent à l'étroit dans le rôle de femme traditionnel auquel on la destine; elle se voit plutôt guerrière qu'épouse et prend très au sérieux la promesse qu'elle a faite à sa mère. Si elle peut tenir cette place un moment; son statut de femme finit par la rattraper une fois arrivée à Médine, et la question du mariage se posera malgré tout. Au fil des pages, elle voit Muhammad s'investir toujours plus dans son rôle de messager, et donc lui consacrer de moins en moins de temps; ce dont elle souffre énormément. J'ai eu un peu de mal à m'attacher à Fatima, son orgoeil et son mépris des autres femmes m'irritaient. Cependant, son besoin d'être rassurée sur l'amour de son père ainsi que ses émotions négatives comme la jalousie la rendent très crédible, et aussi touchante. Un personnage trop lisse m'aurait encore plus agacée et m'aurait paru trop irréel.

 

En parallèle, Muhammad évolue aussi beaucoup dans ce deuxième tome. Si il brillait dans le premier par sa réserve et sa patience; il semble s'endurcir à mesure qu'il s'investit dans son rôle de transmission. Même si il reste très attachant et même si il s'agit d'une autre époque; je n'ai pas pu empêcher mon esprit d'athée / sceptique de tiquer en voyant ses certitudes grandir.

 

Quoi qu'il en soit, la relation père / fille entre Muhammad et Fatima est passionnante à suivre. Ce deuxième tome confirme pour intérêt pour la trilogie Les femmes de l'Islam , qui sera sans nul doute un de mes coups de coeur de 2020 (si ce n'est pas MON coup de coeur de 2020). J'ai hâte de lire le troisième tome, sur Aïcha cette fois.

 

 


Commentaires

 

1. Lysemarie  le 01-08-2020 à 11:11:50  (site)

Bonjour ^^

Je repointe mon nez curieux ici ^^ Marek a-t-il écrit sur les début de l'Islam, enfin, si je capte bien ? Je ne me suis jamais trop penchée dessus à vrai dire et là, ce que je trouve bien c'est qu'on parle des femmes. Le prénom de Fatima m'évoque plus les prophéties que l'on connait quasiment tous est-ce de la même femme qu'il s'agit ? En tout cas, à noter pour mes futures lectures merci du partage ^^. Bonne et belle journée.

 
 
 
posté le 27-07-2020 à 21:49:49

Crois ou meurs! Une histoire incorrecte de la Révolution française - Claude Quétel

"Le temps est venu de découvrir l'imposture derrière la posture et de convenir enfin que la Révolution française fut un épisode exécrable, de bout en bout, de l'histoire de France. Elle ne fut pas le magnifique soulèvement de tout un peuple mais une folie meurtrière et inutile, une guerre civile dont la mémoire continue aujourd'hui encore à diviser fondamentalement les Français."

 

 

Editions Tallandier / PERRIN. 507 Pages.

 

Dans ce livre à charge, Claude Quétel s'attaque à l'idée répandue que la Révolution serait un épisode positif auquel on devrait les Droits de l'Homme et la souveraineté du peuple; bien que l'on condamne les "excès" de la Terreur. C'est avec un soucis impressionnant du détail que l'auteur tend à démontrer que la Terreur était larvée dés le départ, bien avant les premières exécutions politiques, qu'elle est indissociable de la Révolution, qu'il n'y a pas eu une "bonne révolution" suivie d'un dérapage. Claude Quétel ne remet pas en cause le profond besoin de réforme de la monarchie en 1789, compte tenu de la situation économique à laquelle s'ajoute la faiblesse du roi. En revanche, avec ce récit chronologique (quasiment jour après jour), il met à mal l'idéal révolutionnaire construit à posteriori par la IIIè République.

 

En regardant un documentaire sur la guerre de Vendée (émission "L'ombre d'un doute), j'ai entendu un historien parler de cette sacralisation de la Révolution, à laquelle il a été difficile de toucher pendant un certain temps (même si les choses commencent à bouger aujourd'hui).  J'étais donc assez curieuse d'avoir un regard critique sur cet épisode de notre histoire, souvent vu de manière simpliste comme un grand soulèvement populaire contre la tyrannie. Ce livre m'a fait de l'oeil pendant un petit moment, avant que je me décide finalement à l'acheter pour en savoir davantage; et je n'ai pas été déçue.

 

Claude Quétel, comme le souligne d'ailleurs son essai historiographique à la fin du livre, voit la Révolution comme un bloc dont il s'attache à donner une vision globale. Il tente ici de remédier à une tendance se bornant à étudier la Révolution dans Paris, voire carrément dans l'enceinte de l'Assemblée. Une tendance qui oublie de se pencher sur la France profonde, secouée par des émeutes anti-révolutionnaires et dont une bonne partie de la population est encore attachée à son roi et à sa religion. (Notamment la Vendée, qui sera durement réprimée). L'épisode de la Révolution, pour peu qu'on s'y intéresse vraiment, montre qu'étudier l'Histoire à travers les seules idées est loin d'être suffisant. L'auteur met en évidence la déconnexion entre les députés de la Convention et ce "peuple" au nom duquel ils prétendent parler.

 

Une très bonne lecture à mon sens, malgré quelques longueurs à la fin quand il est question du coup d'Etat de Bonaparte; mais cela relève de mon manque d'intérêt pour le personnage de Bonaparte, étant plus attirée par la période 1789-1794. Ce livre est accessible aux non-spécialistes; cependant il reste assez dense, il m'a demandé beaucoup d'attention et de concentration, j'étais un petit peu noyée sous les noms des personnages cités. Je pense donc que quelques connaissances préalables sur la période et sur l'Ancien Régime  ne sont pas de trop pour aborder ce livre. Cette abondance de personnages et de faits tend à prouver toutefois que la Révolution est un bloc dont la responsabilité est collective, bien que quelques figures emblématiques s'en détachent.

 

Bien que j'aie adoré ce livre, je compte en lire d'autres qui soient moins "à charge". Je pense notamment à la Nouvelle histoire de la Révolution française, de Jean-Clément Martin, que j'aimerais me procurer bientôt. 

 

 


Commentaires

 

1. Lysemarie  le 28-07-2020 à 20:46:32  (site)

Bonsoir Mina

Merci infiniment d'être venue et là, je découvre à mon tour ce joli blog qui m'a l'air d'être une vraie mine d'or ^^. J'adore l'Histoire la grande comme la petite d'ailleurs et ce livre m'intéresse beaucoup. J'avais fait un article sur le 14 juillet et j'ai dis ce que j'en pensais lol. Je note donc celui-ci ^^ à mon tour de remercier pour la découverte ^^ bonne soirée

2. christineb  le 28-07-2020 à 22:59:20  (site)

Voilà un éclairage intéressant et inhabituel. C'est toujours intéressant de réfléchir à plusieurs versions de l'histoire passée comme de l'actualité. Bon mercredi.

 
 
 
posté le 21-07-2020 à 23:27:01

Le monstre de la mémoire - Yishaï Sarid

"Au cours d'une visite à Birkenau, un élève, un petit gros au regard mauvais et aux joues violacées par le froid a commencé à graver : <<Mort aux gauchistes>> sur une palissade du camp des femmes. Il a été surpris par un prof plus éveillé que les autres, et a été obligé de s'arrêter. Pour le consoler, ses copains lui ont promis qu'en Israël, ils termineraient le boulot ensemble. Enveloppés du drapeau national, des kippas sur la tête, nos jeunes déambulaient entre les baraquements et s'emplissaient de haine, non pas envers les bourreaux, mais envers les victimes."

 

 

 

Editions Actes Sud. 158 pages.

 

 

Un historien israélien, spécialiste de la Shoah et guide dans les camps de la mort, est chargé d'accompagner des lycéens dans leurs visites au cours de "voyages de la mémoire" imposés par l'Etat. Face à la mise en scène de cette mémoire, l'impossibilité de la transmettre et la banalisaiton du tourisme de l'horreur; la colère et la solitude du personnage deviennent de plus en plus palpables au fil des pages.

 

Ce qui m'a attirée en tout premier lieu avec ce livre, c'est sa couverture (sublime). J'ai été intriguée par cet énorme corbeau en plein milieu, puis par ce titre étrange. La quatrième de couverture laissant transparaître le questionnement sur l'entretien de la mémoire a achevé de me convaincre.

 

Un aspect m'a particulièrement frappée : le manque d'empathie des lycéens venus d'Israël pour visiter les camps de la mort; certains allant jusqu'à dire qu'il faudrait "faire la même chose aux Arabes". Pour la lectrice non-avertie que j'étais, cela paraissait totalement irréel. Cela me dépassait que l'on puisse dire des horreurs pareilles; à plus forte raison lorsqu'on faisait partie d'un peuple ayant lui-même subit des massacres. Le mépris de certains élèves pour les victimes, leur haine envers les polonais plutôt qu'envers les nazis m'a laissée pantoise.

 

C'est en lisant une interview de Yishaï Sarid et en me renseignant davantage sur le peuple juif que j'ai commencé à comprendre. Il faut prendre en compte le fait que la Shoah a touché les Ashkénazes, donc les juifs vivant en Europe centrale et Europe de l'Est. Les Séfarades, eux, sont plutôt implantés dans la péninsule ibérique et le bassin méditerranéen. Les lycéens présents dans le roman, qui montrent si peu d'empathie envers les victimes des camps, sont principalement des Séfarades; qui n'ont pas la même histoire que les juifs d'Europe et sont plutôt en contact avec le monde arabe. Dans cette interview dont je mettrai le lien plus bas, Yishaï Sarid parle d'un différend entre les Ashkénazes, réputés plus à gauche, et les Séfarades. Cette explication apporte un éclairage à mon sens indispensable, et évite des erreurs d'interprétations ou une lecture trop superficielle.

 

Implacable, ce roman interroge sans détour le rapport entre les communautés juives et la mémoire de la Shoah, ainsi que la mise en scène permanente qui en est faite. Le devoir de mémoire est présenté comme un monstre auquel il faut payer un tribut. Si ce n'est pas un coup de coeur pour ma part, il reste cependant une très bonne lecture qui m'a poussée à approfondir un sujet que je connaissais assez mal; à savoir les différences entre Séfarades et Ashkénazes. Il pousse aussi à s'interroger sur l'histoire du peuple juif au-delà de l'Holocauste, auquel on a trop tendance à le résumer.

 

 

Voici les liens vers des interviews de Yishaï Sarid à propos de ce texte.

 

 https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/04/25/monstre-memoire-entretien-sarid/

 

 

 https://www.facebook.com/151446978204/videos/197724074850929/?v=197724074850929

 


 
 
posté le 10-07-2020 à 21:15:44

L'évolution des espèces - Maxime Hervé et Denis Poinsot

"L'idée révolutionnaire de Charles Darwin est de lier toutes ces observations et d'en tirer la conclusion que les individus qui survivent et se reproduisent le mieux sont ceux qui possèdent les variants qui les avantagent le plus dans leur milieu."

 

 

 

 Editions Apogée. 62 pages chacun.

 

Après un livre historique et de la littérature vampirique, je change totalement de domaine en m'attaquant à la théorie de l'évolution avec ces deux livres. Etant donné leur nombre de pages, j'ai décidé de les regrouper en un seul article.

 


Le petit ouvrage qui s'intitule Les preuves s'appuie sur les fossiles mais également sur l'étude des espèces actuelles pour apporter au lecteur des preuves solides que lesdites espèces ne sont pas immuables. En effet, nombre d'animaux présentent des caractéristiques témoignant de stades précédents de l'évolution (ex: vestiges de pattes chez certains serpents). Il aborde également les origines de l'homme moderne ainsi que le caractère buissonnant de l'évolution des espèces.

Le second,  Les mécanismes, explique entre autres comment opère la sélection naturelle, souvent réduite à la "loi du plus fort" alors que "la loi du plus apte" serait sans doute plus exact. Il permet également d'éclaircir des termes qui peuvent paraître un peu obscur comme la spéciation.

 

En outre, ils expliquent plusieurs erreurs de compréhension courantes; comme par exemple l'idée d'une évolution linéaire ou allant nécessairement vers plus de complexité. 

 

Je recommanderais vivement ces deux petits livres à quiconque souhaiterait en savoir plus sur la théorie de Darwin et les précisions que les avancées de la science ont pu y apporter. D'après les auteurs de ces livres, l'évolution est en réalité plus complexe et il a fallut en simplifier certains aspects pour la rendre accessible à un public non-expert. Je trouve qu'il s'agit d'une très bonne entrée en matière.

 

Je savais que la théorie de l'évolution faisait conscensus dans le milieu scientifique et qu'il s'agissait du modèle le plus solide pour expliquer l'histoire du vivant. Cependant, la compréhension que j'en avais restait très limitée. Ces deux ouvrages m'ont permis de mieux cerner l'idée de sélection naturelle, sélection sexuelle, d'évolution buissonnante plutôt que linéaire etc; même si certains aspects de la théorie restent encore un peu flou pour moi qui ne suis pas biologiste. Je compte bien creuser ce sujet, qui m'intéresse décidément beaucoup!

 

 


Commentaires

 

1. christineb  le 10-07-2020 à 22:45:36  (site)

Ces petits livres semblent bien intéressants. Je ne connaît pas cette édition. Bonne continuation!

 
 
 
 

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