Les lectures de Mina Strogoff

posté le 25-12-2020 à 12:47:05

Lolita - Vladimir Nabokov

"Quand je repense à ces fresques nauséeuses, à cet instant étrange et monstrueux, je ne puis expliquer mon comportement d'alors que par la mécanique de ce vide onirique dans lequel gravite un esprit égaré ; mais à l'époque, tout cela me parut simple et inévitable."

 

 

 

Editions Gallimard. 532 pages.

1ère parution : 1955 

 

Depuis sa prison, Humbert, un écrivain d'une quarantaine d'années, entreprend d'écrire une confession dans laquelle il raconte sa fascination pour les "nymphettes", des jeunes filles prépubères, auxquelles il voue un véritable culte. En arrivant aux Etats Unis, il est hébergé par une veuve nommée Charlotte Haze et sa fille de 12 ans, Dolores, qu'il surnomme Lolita. Humbert se prend aussitôt de passion pour l'adolescente. Il cède aux avances de la mère et accepte de l'épouser afin de pouvoir garder la jeune fille dans son entourage. Mais lorsque Charlotte Haze décède, Humbert se retrouve responsable de Lolita; qu'il emmène avec lui à travers les Etats-Unis dans une sorte de road-trip qui durera deux ans.

  

Lolita est segmenté en deux parties; la première racontant brièvement la jeunesse de Humbert, son arrivée aux Etats Unis, sa rencontre avec Dolores ainsi que les premières semaines avec elle et sa mère, jusqu'à la mort de cette dernière. La seconde est centrée sur leur parcours dans différents états américains.

J'étais très curieuse de lire ce roman dont j'avais entendu et lu nombre de critiques. Comme beaucoup de lecteurs, j'étais partagée entre l'horreur des évènements racontés, et la plume virtuose de Nabokov. L'intrigue est certes très scabreuse, mais force est de constater que le style de l'auteur est d'une élégance absolue et ne verse jamais dans la vulgarité.

 

Comme précisé dans la préface, Lolita est un cas rare en littérature. Contrairement à d'autres textes mieux admis aujourd'hui qu'à leur première publication; ce roman inspiré d'un fait divers semble encore plus sulfureux en 2020 qu'en 1955. Sans doute parce que la pédocriminalité est mieux connue et davantage abordée aujourd'hui qu'à l'époque. Nombre d'éditeurs actuels semblent s'accorder pour dire qu'un tel texte serait impubliable à présent.

 

Il est reproché à Nabokov de faire l'apologie de la pédophilie. Certains ont même supposé que l'auteur était lui même pédophile sans quoi il n'aurait pas pu se mettre dans la peau de Humbert. Le narrateur semble osciller entre l'auto-complaisance et les éclairs de lucidité sur les abus qu'il fait subir à Lolita. Il est en effet difficilement supportable de voir un homme adulte fou de désir pour une jeune fille prépubère, espérant que ses sentiments seront un jour partagés tout en ayant conscience qu'elle ne l'intéressera plus une fois adulte. L'assimilation du narrateur à l'auteur me pose problème; elle sous-entend qu'un écrivain serait incapable de créer des personnages qui ne lui ressembleraient pas, ce qui est évidemment faux. Si il arrive que l'opinion de l'auteur soit sensible; je pense cependant que c'est une erreur de croire qu'une oeuvre de fiction est nécessairement porteuse d'un message politique ou des sentiments de l'écrivain.

 

On reproche également à ce texte de présenter Lolita, la victime, comme consentante. La jeune adolescente a effectivement le béguin pour Humbert au début de l'intrigue. Néanmoins, être attiré par un adulte est fréquent chez les adolescents qui découvrent la sexualité. Cela ne prête pas à conséquence quand l'adulte reste à sa place et est vu comme inaccessible. Dans le cas de Humbert, Lolita flirte avec lui car elle a senti une faille et ne le voit pas comme intouchable. Cependant, elle est à mille lieux d'imaginer qu'il va abuser d'elle. Lorsqu'on garde cela à l'esprit, Lolita ne semble pas du tout consentante et encore moins responsable de ce qui lui arrive.

 

Lolita est une lecture qui m'a marquée et que j'ai appréciée pour la plume hypnotique de l'auteur et pour l'étude de caractère des deux protagonistes. Cependant, si j'ai été embarquée par la première partie, la deuxième comportait beaucoup de longueurs malheureusement, notamment dans les descriptions. Vers la fin, j'avais hâte de passer à autre chose. Cela dit, cela reste une bonne expérience. Même si ce n'est pas un coup de coeur, je pense qu'il mérite sa réputation de monument de la littérature.

 


Commentaires

 

1. christineb  le 26-12-2020 à 17:17:55  (site)

J'étais aussi intéressée par la lecture de ce roman, il y a quelques années, mais autant que je m'en souvienne pas enthousiasmée. Après je m'inquiète de toutes les censures car on ne peut pas avoir où elles s'arrêteront. Bon dimanche.

 
 
 
posté le 22-12-2020 à 10:45:19

La disparition de Josef Mengele - Olivier Guez

 "Vous aussi, docteur Hochbichler, devriez avoir le courage d'affronter la justice! Vous qui accordez une valeur si positive à la mort, vous n'avez rien à craindre! Vous n'avez fait que votre devoir, n'est-ce pas, vous n'avez rien à vous reprocher? Alors comportez-vous en soldat et allez expliquer à vos compatriotes que vous avez lutté à Auschwitz contre leur dégénérescence et pour la pureté de leur race ..." 

 

 Editions Grasset & Fasquelle. 250 pages.

1ère publication: 2017 

 

Après la chute du IIIè Reich commence la "dénazification", dans une Allemagne vaincue et désormais coupée en deux. Josef Mengele, ancien médecin d'Aushwitz obsédé par la pureté de la race, avait trouvé dans les déportés des cobayes parfaits pour ses recherches. La chasse aux nazis l'oblige à quitter l'Europe pour l'Argentine en laissant derrière lui sa femme et son fils. Il rencontre sur place nombre d'anciens SS, eux aussi installés en Amérique Latine pour échapper aux procès. Mengele connaît quelques périodes de tranquillité relative mais sa vie reste celle d'un fugitif, rythmée par les traques et les déplacements. A mesure qu'il vieillit, l'étau se resserre et l'espoir de rentrer en Europe s'étiole. Il devient peu à peu un fardeau pour sa famille restée en Allemagne mais aussi pour ceux qui l'hébergent à la fin de sa vie.

 

Un court roman dont j'avais entendu beaucoup de bien et que j'avais hâte de découvrir. En plus des tribulations de Mengele, bête traquée qui sombre peu à peu dans la paranoïa, le lecteur suit la situation politique des pays mentionnés. En particulier l'Argentine, qui doit prouver qu'elle n'est pas un refuge pour nazis en fuite; mais aussi l'Allemagne, qui se dit prête à affronter son passé mais "recycle" d'anciens nazis dans son nouveau gouvernement. Comme il subsiste beaucoup de zones d'ombre dans cette partie de la vie de Mengele, l'auteur précise lui-même qu'il s'est permis de romancer ces dernières tant que cela restait cohérent. Ce texte n'est donc pas à prendre comme un roman historique proprement dit, il convient de garder un peu de recul.

 

Même si je trouve intéressant le personnage de Mengele; ce texte n'était malheureusement pas à la hauteur de mes espérances. J'avais entendu énormément de retours positifs, je suis fascinée au départ par Josef Mengele : ce médecin tortionnaire qui a échappé à la justice jusqu'à la fin de sa vie et dont le corps n'a été retrouvé et identifié que bien plus tard. J'avais donc énormément d'attentes. Même si je salue le travail de l'auteur visiblement soucieux de s'appuyer sur des sources fiables, je n'ai pas été emballée par son écriture et j'ai trouvé quelques longueurs, notamment vers la fin. Dommage car l'idée de départ était prometteuse. Cependant, je ne le rangerais pas dans la catégorie des déceptions complètes car Mengele me paraît plutôt bien rendu et crédible dans ce roman. Simplement, je suis restée bloquée sur le style d'Olivier Guez, qui ne m'a pas transportée.

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 22-12-2020 à 15:17:22  (site)

Bon ben, je ne le lirai pas. Les sujets historiques me passionnent, surtout quand ils ont un mystère pour support. Mais ce que vous en dites ne m'incite guère à vouloir découvrir ce que fut celui de la fin de Mengele.... Bonnes fêtes...

édité le 22-12-2020 à 15:17:56

 
 
 
posté le 16-12-2020 à 19:44:27

Le Dieu oiseau - Aurélie Wellenstein

 "Dans quelques jours, comme tous les habitants de l'île, du plus riche au plus humble, Faolan pourrait participer aux épreuves qualificatives désignant le champion de chaque clan. S'il échouait et que Torok gagnait, il périrait, sacrifié, le coeur arraché par son maître ; mais s'il réussissait, il représenterait le clan lors de la Quête de l'homme-oiseau."

 

Editions Pocket. 344 pages

1ère parution : 2018 

 

L'action se passe sur une île que se partagent dix clans. Tous les dix ans, une compétition détermine lequel dominera tous les autres pour la prochaine décennie. Pour chaque clan, un champion est sélectionné pour participer à la Quête de l'homme-oiseau, qui consiste à aller chercher un oeuf d'or conçu tous les dix ans par le dieu Mahoké. Les épreuves sont closes par le traditionnel "banquet", au cours duquel le clan vainqueur dispose de ses adversaires comme bon lui semble. Faolan, issu d'un clan vaincu, a assisté au massacre de sa famille. Il est depuis lors l'esclave de Torok, le fils du chef victorieux, et doit se plier à toutes ses fantaisies. Après dix ans de calvaire, les sélectifs lui offrent la possibilité de se défaire de son statut d'esclave, de prendre sa revanche et de peut-être, mettre fin à ce cycle infernal.

 

 J'étais un peu réservéee en lisant les premiers chapitres. Le personnage de Torok se comportant comme un enfant gâté, il me faisait un peu penser à Malefoy dans les premiers tomes de Harry Potter. Ce genre de personne très narcissique et infantile existe réellement, ce n'était donc pas une question de crédibilité. Torok étant réellement dangereux, il suffit à créer une tension. Mais j'ai eu peur que le récit manque de profondeur avec un antagoniste ayant pour seul but d'empoisonner la vie des autres.


Fort heureusement, le récit tourne autour de Faolan. Des épreuves qu'il traverse pour atteindre son objectif, mais aussi de son passé et de ses interrogations. La question du pouvoir et de l'effet de ce dernier sur les hommes est omniprésente. D'autres concurrents issus de clans déchus souhaitent se venger et ne semblent pas remettre en question le fonctionnement de l'île. Faolan en revanche, veut rompre ce cycle et mettre fin aux violences, en particulier la tradition du "banquet".

 

Malgré la noblesse de son objectif final, Faolan est décrit tout au long du récit comme quelqu'un de plutôt faible, détruit par dix ans d'esclavage, et vite perdu dés lors qu'on ne lui dit plus quoi faire. Bien qu'il voue une haine profonde à son maître, il est forcé d'admettre que c'est son lien avec lui qui l'a construit en grande partie. En outre, les actes qu'il est forcé de prendre parfois pour assurer sa survie le rapprochent plus de l'anti-héros que du justicier sans reproche.

 

J'ai adoré le personnage de Faolan, pour lequel j'ai ressenti beaucoup d'empathie, et qui m'a manqué quand j'ai refermé le livre. Même si ses actes ne sont pas toujours louables, ils restent largement compréhensibles au vu de son passif et des situations dans lesquelles il se trouve.

L'idée de la compétition, de la lutte pour la survie et ce qu'elle peut nous forcer à faire m'a rappelé Hunger Games. L'histoire se termine un peu en queue de poisson et peut laisser une impression d'inachevée; néanmoins elle reste crédible compte tenu de l'état psychologique de Faolan.

 

J'hésite à dire que c'est un coup de coeur puisque je ne le mets pas au même niveau que Loup et les Hommes ou Les Femmes de l'Islam ; mais il reste une excellente lecture et un des livres qui a marqué mon année 2020. Attention cependant, ce n'est pas une lecture détente. Certaines scènes sont très explicites (cannibalisme). D'autres sont plus subtiles (violences sexuelles) mais suffisamment claires pour que l'on comprenne. Le Dieu oiseau reste une histoire violente qui n'est pas à mettre entre toutes les mains. Si vous êtes déprimé ou cherchez une lecture feel good, passez votre chemin ;) 

 


 
 
posté le 15-12-2020 à 13:05:02

Brève histoire de l'islam à l'usage de tous - Antoine Sfeir

"Apprendre, c'est avant tout connaître et savoir. C'est ensuite reconnaître pour respecter. C'est enfin accepter : non pas l'autre, mais le fait que nous ne sommes pas seuls et que nous ne constituons pas la référence culturelle universelle. Ce cheminement, cette initiation à l'autre exige le même volontarisme de sa part ; c'est ce qui rend le dialogue si difficile."

 

 

 

Editions Flammarion. 294 pages. 

1ère publication : 2007 

 

De la révélation jusqu'à l'actualité en passant par l'Arabie pré-islamique et les grandes dynasties comme les Omeyyades et les Abassides; ce petit ouvrage retrace rapidement l'histoire de l'islam. Antoine Sfeir pense (à juste titre selon moi) que reprendre l'histoire de cette religion mal connue est nécessaire pour comprendre ses enjeux actuels mais aussi sa très grande diversité. Rappelons qu'elle est présente en Europe mais aussi en Asie, que les Arabes ne représentent qu'une partie de la population musulmane. (environ 18% d'après l'auteur) et que tous les Arabes ne sont pas musulmans.

 

Le livre est découpé en dix-huit chapitres sans compter l'introduction et la conclusion. On trouve également des répères chronologiques, un glossaire ainsi qu'une bibliographie plutôt fournie. Visuellement, je l'ai trouvé très bien conçu. L'ouvrage comprend plusieurs cartes ainsi que des encadrés pour faciliter la lecture. Le texte est écrit assez gros, est aéré; ce qui rend la lecture agréable.

 

 

 

 

A mon sens, Antoine Sfeir a réussi à éviter les deux principaux écueils dés lors qu'on parle de l'islam; à savoir la généralisation abusive et la naïveté. Il garde à l'esprit qu'un dialogue interreligieux est compliqué dans le sens où chaque religion est persuadée de détenir la vérité. Il parle plutôt d'un dialogue interculturel, ce qui me paraît plus approprié et plus honnête intellectuellement. Dans tous les cas, une volonté sincère d'apprendre et de comprendre l'autre est nécessaire des deux côtés pour apaiser des tensions qui n'ont pas lieu d'être.

 

 Ce petit ouvrage me semble une très bonne base pour quiconque souhaiterait creuser sans savoir par où commencer. L'alarmisme n'encourage pas à se pencher réellement sur le sujet; pas plus que la naïveté réduisant tout à un choix individuel et faisant avorter tout questionnement.  L'auteur nous rappelle ici que l'islam nous fait peur en tout premier lieu parce que nous ne le comprenons pas; et nous fait prendre conscience de l'étendu de notre ignorance.

 

Balayer un sujet si large en moins de 300 pages implique nécessairement des simplifications ; mais elles sont nécessaires à toute vulgarisation. Libre au lecteur d'aller creuser par la suite.

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 15-12-2020 à 16:57:05  (site)

Je crois que nous serions prêts rencontrer l'islam, s'il n'était pas si violent dans ses pratiques, du moins dans les pratiques de ses fondementalistes. L'étude des autres religions du monde est tout de même beaucoup plus paisible. Ce qui n'empêche pas, j'en conviens, d'essayer de comprendre ce qu'est l'islam véritable et donc celui des origines.. Florentin

 
 
 
posté le 11-12-2020 à 12:16:56

Appartement 16 - Adam Nevill

"Jamais des cauchemars ne lui avaient paru si réels, même s'il était incapable de se les expliquer. Peut-être était-il trop malheureux et léthargique pour se
préoccuper de nouveaux signes l'alertant qu'il s'éloignait de la voie suivie par les autres. L'inertie tuait la motivation. La solitude le rendait paranoïaque. La pauvreté le mettait dans une situation pitoyable."

 

 

Editions Bragelonne Terreur. 500 pages.

1ère parution : 2010 

 

April, une jeune femme américaine, hérite de l'appartement londonnien que lui a légué une grande tante qu'elle n'a pas connue. Cette dernière est morte dans des circonstances étranges en laissant derrière elle cet appartement ainsi qu'un journal intime dans lequel elle révèle avoir été mêlée à une histoire atroce. April décide de reconstituer l'histoire de sa grande tante en interrogeant les autres résidents mais aussi le personnel de l'immeuble.

De son côté, Seth, le veilleur de nuit un peu paumé et artiste en manque d'inspiration, apperçoit régulièrement un adolescent qui l'observe et qu'il semble le seul à voir. A cela s'ajoutent les cauchemars dés lors qu'il ferme les yeux et les bruits qui semblent venir de l'appartement 16, pourtant inoccupé depuis la mort de sa dernière résidente.

 

L'histoire d'appartement hânté décrite en quatrième de couverture m'a intriguée. J'ai apprécié le jeu entre les points de vue de April et Seth ; la première tâchant de mieux connaître sa parente et les évènements horribles dont elle a été témoin; le deuxième s'efforçant de garder la tête hors de l'eau et doutant de sa propre santé mentale. L'impossibilité des personnages de s'éloigner de ce Londres très glauque m'a donné l'impression que la ville était un personnage a part entière doué d'une volonté propre; même si ce n'était pas exactement le cas.

 

Je ne mettrai pas ce livre dans les flops puisque je lui ai tout de même trouvé assez d'intérêt pour lire les 500 pages. Cela dit, j'ai quand-même été plutôt déçue. Si le personnage de Seth et ses tribulations sont plutôt intéressantes; April en revanche est d'une fadeur incommensurable. L'écriture de l'auteur ne casse pas trois pattes à un canard, certaines tournures de phrases me paraissent lourdes et assez maladroites. Quelques points intéressants, mais ce n'est pas un texte d'une grande qualité littéraire à mon avis.

 

 


 
 
 

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