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Du Domaine des Murmures - Carole Martinez

"Mon promis m'attendait dans son costume rutilant. Il pleuvait tant qu'on échangerait les consentements dans la nef et non en plein air comme le voulait l'usage.

Là, face au pallium de l'archevêque, venu en personne marier son neveu à la fille de l'un de ses vassaux, je n'ai pas dit <<oui>>."

 Editions France Loisirs. 200 pages.

(première publication en 2011 aux éditions Gallimard).

En 1187, la jeune Esclarmonde âgée de 15 ans s'oppose à la volonté de son père en refusant de s'unir à Lothaire, à qui il la destinait. Elle choisit d'entrer en religion plutôt que d'épouser un homme qu'elle méprise, et opte pour la forme la plus drastique de retraite, à savoir la réclusion. Mais, peu de temps avant de prononcer ses voeux, elle est violée par un homme qu'elle ne peut identifier. Esclarmonde décide de taire cet événement et, conformément à ses voeux, est emmurée vivante avec une fenestrelle pour seul contact avec le monde extérieur. Quelques mois plus tard, elle met au monde dans sa cellule un petit garçon dont il va falloir justifier la conception.

L'histoire est racontée du point de vue d'Esclarmonde, dont le fantôme souhaite s'adresser aux lecteurs et lectrices contemporain-e-s.

Ce qui m'a surprise et attirée en premier lieu dans ce roman est le thème de la réclusion; j'ai immédiatement été intriguée par l'idée d'écrire sur une jeune fille prenant la décision d'être emmurée vivante. En outre, même en étant une athée convaincue, la question religieuse m'a toujours intéressée; et la réclusion est une forme de retrait dont je n'ai que peu entendu parler. D'autre part, j'étais très curieuse de voir comment Carole Martinez allait s'y prendre pour rendre intéressante une histoire dont l'héroïne est cloîtrée dans un espace extrêmement réduit.

Outre le sujet qui m'a beaucoup plu, j'ai trouvé les personnages bien caractérisés pour la plupart. Le personnage central, Esclarmonde, m'a paru crédible et attachant. Son évolution est très intéressante à suivre : son entrée en religion, ses échanges avec les pellerins, la naissance de son fils, ses questionnements sur l'avenir de ce dernier et sur son propre engagement alors qu'elle voit se profiler une séparation inévitable entre elle et son enfant. Bien que sa position lui donne un certain pouvoir, Esclarmonde doit prendre garde à ne pas franchir la frontière floue entre sainteté et hérésie. Certains personnages moins crédules ne se font guère d'illusions sur l'origine de son fils; ce qui ajoute une épée de Damoclès au-dessus de la tête de l'héroïne.

J'ai également beaucoup apprécié l'écriture fluide de Carole Martinez et son sens indéniable de la formule. Un petit bémol avec quelques expressions comme "pétaradait" ou "triple galop", qui ne me semblaient pas correspondre à un personnage ayant vécu au Moyen-Âge, bien que son fantôme ait traversé les siècles. J'ai également trouvé quelques longueurs. Le père d'Esclarmonde étant parti en croisades pour reprendre Jérusalem, j'ai moins apprécié les visions qu'elle avait du champ de bataille. Bien que ces passages soient important pour l'intrigue, j'attendais avec impatience que le récit se concentre de nouveau sur le quotidien d'Esclarmonde.

Malgré quelques petits bémols, j'ai passé un bon moment en lisant cette oeuvre qui aborde plusieurs questions intéressantes. La religion est omniprésente bien sûr, mais aussi la maternité et la place des femmes.  Ce roman m'a donné envie d'en savoir plus sur l'auteure que je ne connaissais que de nom et de me renseigner sur la réclusion que je ne connais que très peu.