Les lectures de Mina Strogoff

posté le 26-10-2020 à 10:45:57

Enfants de Nazis : Tania Crasnianski

"Il est très difficile pour des enfants de juger leurs parents. Nous manquons de distance et d'objectivité vis-à-vis de ceux qui nous ont mis au monde et élevés. Plus grande est la proximité affective, plus compliqué est le jugement. De l'adhésion au rejet total, comment vivre avec son passé familial, quand il est aussi effrayant?" 

 

 

 

Editions Grasset & Frasquelle. 280 pages.

1ère parution : 2016 

 

Lecture pour le Pumpkin Automn Challenge 2020.

Thème : "Les supplices de la belladone". Lire un livre avec la couverture noire

 

Tania Crasniasnki dresse ici un portrait des enfants de dignitaires nazis tels que Himmler, Hess, Speer, Höss ... Chaque chapitre re-situe la famille en question dans son contexte, explique comment elles en sont arrivées à côtoyer le Fürher et participer à l'extermination des Juifs d'Europe tout en menant une vie de famille en privé. Sont abordées également les rapports entretenus par ces dignitaires nazis avec leurs propres enfants; qu'ils soient fusionnels, tendus ou quasi-absents. Les différentes sections traitent également des procès intentés aux responsables, de la manière dont leurs familles et particulièrement les enfants l'ont vécu, ainsi que de leur place dans la société qui suit la chute du IIIè Reich.

 

Si tous ces enfants ont en commun d'avoir grandi dans une tour d'ivoire dans des familles puissantes ; ils diffèrent en revanche dans leurs réactions en découvrant l'étendu des crimes de leurs pères respectifs. Leurs attitudes dépendent énormément de la relation qu'ils entretenaient auparavant avec leurs parents. Gudrun Himmler par exemple, qui était très proche de son père, reste persuadée que ce dernier est innocent des crimes dont on l'accuse et va jusqu'à embrasser ses idéaux. Il en va de même pour Edda Göring. En revanche, Rolf Mengele, même si il ne diabolise pas entièrement son père, éprouve un sentiment de répulsion et adopte des idées politiques diamétralement opposées aux visions eugénistes de son père. N'ayant jamais vraiment côtoyé son père, il lui est moins difficile d'affronter la réalité que pour les enfants ayant eu un lien affectif fort. Quant à Niklas Frank, il critique ouvertement son père dont il n'a jamais été proche; ainsi que le peuple allemand en lequel il dit avoir perdu confiance.

 

J'ai également remarqué que le sentiment de honte et de culpabilité était en général plus présent chez les neveux / nièces et chez les petits enfants que chez les descendants directs, à plus forte raison quand ces derniers ont eu des liens forts avec leurs pères. Tania Crasnianski fait état de neveux et nièces de nazis ayant choisi de se faire stérilier pour éteindre la lignée, de peur d'engendrer d'autres monstres ; comme si la cruauté faisait partie des gênes de la famille.

 

Une lecture que j'ai trouvé fort intéressante, avec une bibliographie plutôt fournie, ce à quoi je suis sensible. 

 

 


 
 
posté le 23-10-2020 à 13:40:39

Les abysses - Rivers Solomon

"Un jour, elle finirait par sombrer. Plus que jamais, elle sentait qu'elle était sur le point de s'annihiler. Elle avait toujours trouvé très douloureux de réabsorber les souvenirs, de sentir son propre esprit s'abolir pour recevoir tous ceux qui avaient vécu autrefois. Mais elle avait toujours réussi à conserver une infime part d'elle-même. Cette fois, elle craignait qu'il ne reste plus rien d'elle."

 

 

 

 


Editions Aux Forges de Vulcain. 200 pages.

 

Jour 2 du défi "7 jours 7 livres". Lecture du 24/09/2020. 

 

 

A l'époque du commerce triangulaire, les femmes qui tombaient enceintes pendant la traversée étaient jetées par-dessus bord. Certaines ont survécu et ont donné naissance à un peuple aquatique hybride, les Wajinrus. Tous ont oublié leur passé traumatique, à l'exception de ceux que l'on appelle les historiens. Le rôle de ces derniers est de conserver les souvenirs et de les partager au reste de leur peuple périodiquement. Le personnage principal, Yetu, vit très mal son rôle d'historienne. Les souvenirs pèsent trop lourd pour elle et exigent qu'elle se sacrifie en permanence pour que les autres n'aient pas à porter ce fardeau. Lors de la cérémonie de partage des souvenirs où elle doit remémorer son histoire à son peuple; elle s'enfuit en laissant ses congénères se débattre avec ce passé douloureux qu'elle a été seule à porter jusqu'alors. Elle arrive sur une île à la surface où elle rencontre des humains.

 

J'ai découvert ce livre grâce à la chaîne youtube Alex bouquine en Prada. Le postulat de départ m'avait beaucoup intriguée, je me suis donc procurée le livre, tant j'étais curieuse d'en savoir plus sur ce peuple aquatique. J'ai malheureusement été très déçue. Malgré quelques questionnements intéressants sur la place dans le groupe et la mémoire, malgré une idée de départ innovante et intrigante ; les personnages sont peu attachants et peu crédibles à mon sens. A cela s'ajoute l'écriture de l'auteur que j'ai trouvé assez insupportable, parce que simpliste et peu fluide. Je fais une grande différence entre un style dépouillé et sans fioritures, et une écriture hâchée qui me donne juste l'impression que le texte n'a pas été retravaillé. Les conversations entre les personnages ne font pas naturel, en particulier celle entre Yetu et une humaine à propos de la reproduction, qui m'a faite lever les yeux au ciel tellement je l'ai trouvée peu crédible.

 

Une grosse déception pour ce livre dont il ne me reste pas grand chose hormis un sentiment que tout a été bâclé et traité en surface. 

 


 
 
posté le 20-10-2020 à 14:21:15

L'arabe comme un chant secret - Leïla Sebbar

"Il a fallut la guerre, la guerre d'Algérie, pour avoir la certitude foudroyante que je suis la fille d'un Arabe et d'une Française, que la France a colonisé l'Algérie, que mon père est colonisé et ma mère colonisateur (colonisatrice?), que je suis divisée malgré le discours qui rassure : mes père et mère appartiennent à la même famille politique ... Une famille politique, c'est quoi, lorsque la famille naturelle, côté père, côté mère, est à ce point oubliée dans la parole quotidienne?" 

 

 

 

Editions Bleu Autour. 74 pages.

 

 

Jour 1 du défi "7 jours 7 livres". Lecture du 23 / 09 / 2020. 

 

Ce livre regroupe six textes écrits à plusieurs années d'intervalles; dans lesquelles Leïla Sebbar interroge l'idée de double culture et de métissage. Née d'une mère française et d'un père algérien, elle a grandi en Algérie en pleine crise du colonialisme. Elle est élevée dans la langue et la culture française, son père est le directeur d'une "école de garçons indigènes" où enseigne sa mère. Assimilée aux colonisateurs, elle est insultée par des garçons algériens sur la route qu'elle prend pour aller à l'école. Elle évoque également le tabou qui semble peser sur la langue arabe, et la difficulté d'en parler avec son père même des années plus tard, puisque ce dernier s'obstine à ne rien dire sur les écrits de sa fille.

 

Ce petit recueil livre des réflexions intéressantes sur la laïcité, la double culture, la famille, les racines. Toutefois, j'ai le sentiment d'avoir peu de choses à en dire car je connais trop peu l'auteur et la guerre d'Algérie pour saisir tous les tenants et aboutissants. Un goût de trop peu à mon sens, qui est principalement dû à mon manque de connaissances sur le sujet.

 


 
 
posté le 20-10-2020 à 14:20:16

Challenge 7 jours / 7 livres (septembre 2020)

C'est avec un peu (beaucoup) de retard que j'écris ce billet sur le défi "7 jours / 7 livres" que je me suis lancée pour septembre 2020. Ayant rencontré des problèmes personnels, le défi a été quelque peu perturbé, j'ai dû passer une journée sans lire; ce qui m'a poussée à faire le défi sur 8 jours pour compenser. Je ne suis pas entièrement satisfaite de ce premier défi 7 jours / 7 livres, j'en ferai probablement d'autres.

 

 

Pour ce défi, j'avais choisi les sept lectures suivantes : 

 

-L'arabe comme un chant secret, de Leïla Sebbar.

-Les abysses, de Rivers Solomon.

-La dictature des identités, de Laurent Dubreuil.

-Les contes de Noël de Pierre Lapin, de Beatrix Potter.

-"Musulman" roman , de Zahia Rahmani.

-Halloween, de Patrick Jézéquel et Bénédicte Morant.

-L'âge de discrétion, de Simone de Beauvoir. 

 

On y trouve donc du roman, du livre graphique, des contes et de la non-fiction. Je n'ai pas eu de franc coup de coeur, certains livres m'ont plutôt plu, d'autres m'ont déçue. Je vais leur consacrer à chacun un article, comme à mon habitude. Ces derniers arrivent bientôt. 

 


 
 
posté le 23-09-2020 à 13:11:51

Loup et les hommes - Emmanuelle Pirotte

"C'est un labeur exigeant, incessant, celui qui consiste à tenter de faire mourir la haine en soi, de tuer le besoin de vengeance. Cela demande de la sagesse. Et ce n'est pas une vertu qu'il possède naturellement."

 

 

Editions Le Livre de Poche. 596 pages.

 

Lecture pour le Pumpkin Automn Challenge 2020.

Thème : "Esprit, es-tu là?". Fantôme / Fantôme du passé / Famille / Historique / Classique. 

 

 

En 1663, le marquis Armand de Canilhac rencontre une femme d'origine amérindienne portant un saphir autour du cou. Il identifie la pierre comme celle que portait son frère Loup, dont il a lui-même provoqué la chute, vingt ans plus tôt. Son besoin de rédemption l'emmène jusqu'en Nouvelle-France, au fin fond de l'Iroquoisie encore peu connue des hommes blancs, où il est persuadé que son frère a atterri. Au fil des pages, le portrait et l'histoire de Loup se dessinent ; les rapports entre les deux frères que tout oppose se précisent.

 

On est ici sur un roman d'aventure sur fond de vengeance et de fantômes familiaux. Armand est déchiré entre la jalousie envers ce frère adoptif qui lui a toujours été préféré par sa mère; et en même temps l'admiration inconditionnelle qu'il lui porte. Même si le geste d'Armand qui a provoqué la chute de son frère reste hautement répréhensible; on comprend aisément qu'il a dû être difficile de vivre en permanence dans l'ombre de ce frère qui semble le surpasser en tous points. A mesure que l'histoire progresse, on en apprend davantage sur Loup et la manière dont lui a vécu les événements. Ce serait une erreur à mon sens de chercher un "gentil" et un "méchant" puisque les deux personnages sont tout en nuances, bien que diamétralement opposés.

 

Les personnages secondaires sont très bien traités également, que ce soit Valère (le domestique de Armand) ou Antoinette, une jeune femme aux origines obscures envoyée au Nouveau-Monde pour épouser un colon.  L'essentiel de l'intrigue se passant en Iroquoisie dans des tribus indiennes, on apprend beaucoup de choses sur les pratiques et rituels de ces dernières. La complexité des rapports entre indiens et hommes blancs est également mentionnée ; le personnage de Loup fait preuve d'une grande lucidité sur l'avenir des indiens dans les décennies qui suivront l'arrivée des colons.

L'auteur étant historienne et ayant consulté des spécialistes pour la correction de son manuscrit, je pense que le contexte de l'époque est bien restitué et que les détails donnés sur les tribus sont fiables.

 

Je précise que l'on trouve plusieurs scènes de sexe dont une tentative de viol.  Elles ne sont pas longues et ne s'étalent pas sur plus d'une page, mais elles restent assez fréquentes. On note également une attraction forte entre deux personnages masculins; les relations homosexuelles n'étant pas réprimées chez les tribus amérindiennes. L'histoire d'amour hétéro au second plan est également très poignante et n'est pas niaise à mon sens. Autant d'éléments qui donnent une place importante au désir et au sexe dans ce roman.

Certains extraits décrivent aussi des scènes de bataille ou de torture qui peuvent heurter un lectorat sensible. 

 

Les conflits familiaux, la restitution du contexte historiques, les histoires d'amour aussi bien homosexuelle qu'hétérosexuelle donnent un texte d'une très grande richesse sans que cela fasse fouilli. Une excellente lecture selon moi.

 


 
 
 

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