Les lectures de Mina Strogoff

posté le 07-12-2020 à 12:53:34

Les portes du néant - Samar Yasbek

"Je suis la conteuse qui examine vos vies fugaces, qui vous tient sous son regard, comme nous le faisions lors des longues nuits, lorsque nous riions à gorge déployée en nous demandant lequel d'entre nous serait touché par le prochai obus. Je le fais pour vous. Je ne peux que vous faire apparaître dans mon esprit et bâtir vos histoires tels des piliers dressés entre la terre et le ciel.

J'écris pour vous qui avez été trahis."

 

 

Editions Stock.  345 pages.

1ère parution : 2015 

 

Ce que Samar Yazbek appelle les portes du néant, c'est la brêche dans la frontière turque qui lui a permis de revenir en Syrie, son pays qu'elle a dû quitter en 2011 parce qu'opposante au régime de Bachar-al-Assad. Trois fois elle est revenu en Syrie pour recueillir des témoignages d'activistes mais aussi de civils dont le quotidien est aujourd'hui marqué par les bombardements, les morts, le manque de nourriture et d'eau, les coupures d'électricité etc.

 

Malgré de nombreux passages quasi-insoutenables (si vous cherchez une lecture détente, passez votre chemin), j'ai apprécié cette lecture qui m'a permis de mieux saisir la situation en Syrie; notamment la manière dont la révolution populaire pacifique a été récupérée par les djhadistes et transformée en guerre civile. Les deux dernières pages du livre sont consacrées à un petit glossaire qui regroupe les mots comme sunnites, chiites, alaouites, djihad, Daech, salafisme etc; tous ces termes que les occidentaux ont tendance à mélanger par méconnaissance. Il faut dire que les médias n'aident pas.

 

Une lecture douloureuse et éprouvante mais qui me paraît absolument nécessaire. Samar Yasbek nous livre un certain nombre de portraits de civils, dont plusieurs lui font promettre d'écrire et de raconter leur histoire. Ayant lu le livre plusieurs semaines auparavant, je regrette de ne pas avoir pris de notes au fur et à mesure pour mieux retenir; car j'ai l'impression que mon article ne lui rend pas justice. Ce qui est très frustrant étant donné la gravité du sujet abordé. Il faudra probablement que je prenne le temps de le relire et de rédiger un nouvel article à son sujet.

 

Note à moi-même : ne plus procrastiner dans la rédaction des articles.

 

 


 
 
posté le 02-12-2020 à 20:40:42

Le Pays du Commandeur - Ali Al-Muqri

"Ici tout le monde avait peur : de la censure, des filatures, des gens, des maisons, des murs dont on pensait qu'ils avaient des oreilles. Les gens se méfiaient de leur propre ombre, et aussi de moi." 

 

 

 

Editions Liana Levi. 154 pages.

1ère parution : 2020 

 

L'action se passe en Irassybie, un état imaginaire, dirigé d'une main de fer par un homme qu'on appelle le Commandeur.  Comme dans tous les régimes totalitaires, le chef d'état fait l'objet d'une propagande soutenue. Sous étroite surveillance, la population lui est entièrement redevable, tout le monde se méfie de tout le monde même de ses proches, personne n'ose dire un mot contre le Commandeur même sous son propre toit. Les seuls endroits qui échappent à cette surveillance semblent être les toits des maisons, où les langues se délient. Un écrivain originaire d'un état voisin est invité par le Commandeur pour écrire sa biographie. Issu d'un milieu très pauvre et souhaitant financer le traitement de son épouse malade, il n'a pas d'autre choix que d'accepter la proposition du dictateur.

 

Cette dystopie soulève un certain nombre de questions intéressantes et aborde des sujets très actuels, notamment les dérives autoritaires et la manipulation des masses. Le récit est raconté à la première personne, par l'écrivain chargé d'écrire un livre à la gloire du Commandeur. Ce n'est pas un coup de coeur, mais cela reste une lecture que j'ai appréciée, étant amatrice de dystopies s'inspirant de situations réelles.

Tags: #dystopie
 


 
 
posté le 26-11-2020 à 12:05:28

Dieu est amour - Jean-Loup Adénor et Thimothée de Rauglaudre

"est-ce qu'aujourd'hui, en France, certains prétendent pouvoir modifier l'orientation sexuelle d'une personne?"

 

 

 

 

 

 Editions Flammarion. 303 pages.

1ère parution : 2019 

 

Lecture pour le Pumpkin Automn Challenge 2020.

Thème : "Les rêves d'Aurore". LGBTIQ / Militantisme 

 

Pendant deux ans,  les deux journalistes coauteurs de cet ouvrage ont enquêté sur les "thérapies de conversion". Si ces dernières ont cours ouvertement aux Etats-Unis, elles sont forcées de se faire plus discrètes sur le sol français pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Cependant, les recherches des deux auteurs ont montré qu'elles étaient bien présentes et s'inspiraient fortement des pratiques analogues que l'on peut trouver aux Etats-Unis. Les associations religieuses telles que Courage ou Torrents de Vie qui encouragent ces "thérapies" voient l'homosexualité comme une maladie, une dérive qui serait l'oeuvre du Diable mais que l'on pourrait corriger. Les personnes homosexuelles se tournant vers ces associations dans l'espoir de changer sont principalement des hommes fragilisés et mal dans leur peau.

  

Jean-Loup Adénor s'est infiltré dans ces groupes sous une fausse identité afin de connaître leur fonctionnement de l'intérieur. Si le discours est plutôt policé en public, il devient rapidement plus dur lorsque les partisans ne se sentent plus surveillés. 

Les "thérapies" de conversion sont nées aux Etats Unis après la libération sexuelle dans les années 1970 et promettent de modifier l'orientation sexuelle, de permettre aux homosexuels de "trouver la voie" d'une "saine" hétérosexualité ou du moins de l'abstinence. En France, ces pratiques sont forcées se faire beaucoup plus discrètes qu'aux USA pour ne pas tomber sous le coup de la loi; mais elles sont néanmoins bien présentes.

 

Une enquête à charge mais nécessaire et fort intéressante à mon sens.

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 26-11-2020 à 18:45:48  (site)

Titre ambigu. Qui pourrait être acheté par un croyant pur jus, cherchant à alimenter sa foi. Il y faut le bandeau. Pour savoir où l'on met les pieds. Je crois qu'au total les idées sur l'homosexualité ont un peu changé chez les cathos. J'ai entendu qu'ils commençaient à assouplir leur jugement sur la chose. Florentin

 
 
 
posté le 03-11-2020 à 11:49:50

Auschwitz Lutetia - Marcel Bercau

"J'ai continué à témoigner dans les écoles et les lycées, pour éviter que cette horreur ne se reproduise et pour que les générations futures n'oublient pas.

Chaque jeune d'aujourd'hui doit construire son éthique personnelle pour forger la colonne vertébrale de ses valeurs. Car, sans elle, tout pourrait recommencer." 

 

 

 

Editions Flammarion. 152 pages.

1ère parution: 2008 

 

Déporté en septembre 1942, Marcel Bercau nous livre ici un témoignage sur la fin des camps de concentration. Auschwitz est évacué le 17 janvier 1945 par les nazis. Les prisonniers, dont fait partie Marcel Bercau, vivent encore plusieurs mois de calvaire, déplacés de camps en camps à travers l'Allemagne par de longues marches harrassantes ou encore, entassés dans des wagons à bestiaux. Les Américains les découvrent dans le camp de Landsberg en avril 1945. Après avoir rejoint les hôpitaux de Kaiserslautern et de Colmar pour recevoir les premiers soins, Marcel Bercau est enfin rapatrié en France le 2 juin 1945, à l'hôtel Lutetia. Parmi les membres de sa famille ayant été déportés, il est le seul survivant.

 

 Ce livre apporte un éclairage sur un aspect peut-être moins connu de la Shoah, à savoir que la sortie des camps n'a pas été synonyme de fin du calvaire. Dans son récit, Marcel Bercau fait état de sa farouche volonté de survivre, son objectif quotidien étant de tenir jusqu'au lendemain. Cependant, il ne perd jamais de vue qu'il doit sa survie à des concours de circonstances bien plus qu'à sa seule volonté.

 

M'intéressant particulièrement à la Shoah ces dernières semaines,  j'ai lu ce bref récit en deux jours. Il est très accessible et il me paraît important de continuer de faire connaître cette période; néanmoins, les évènements qu'il décrit en font une lecture plutôt éprouvante.

 


Commentaires

 

1. Florentin  le 26-11-2020 à 18:37:40  (site)

Je me suis un moment intéressé aux camps. J'ai eu mon compte et je ne lis plus rien sur le sujet. Mais, tu as raison : il faut continuer d'en parler. Pour qu'on n'oublie pas et qu'on n'ait plus envie que la chose recommence.

 
 
 
posté le 27-10-2020 à 10:28:33

L'Alchimie de la pierre - Ekaterina Sedia

"Je voulais une automate susceptible de plaire par son aspect et sa conversation - pas une rebelle désireuse d'exercer un métier".

 

 

 

Editions Pocket. 316 pages.

1ère parution : 2008 

 

Lecture pour le Pumpkin Automn Challenge 2020.

Thème : "A window to the past". Sorcière / Sorcellerie / Magie / SFFF

 

L'histoire se passe dans une immense cité-état qui fut construite par des gargouilles. Elle est sous la coupe du clan des Mécaniciens, auquel les Alchimistes livrent une lutte d'influence sans merci. Le personnage central est une automate prénommée Mattie, construite par un Mécanicien. Emancipée et exerçant le métier d'Alchimiste, elle fait partie des rares machines douées de raison, contrairement à la majorité des automates qui se contentent d'exécuter des tâches. Bien qu'elle jouisse d'une certaine liberté de mouvements, elle reste dépendante de son créateur, Loharri, qui conserve la clef lui permettant d'être remontée. Atteintes d'un mal mystérieux les transformant une à une en pierre, les gargouilles qui ont créé la cité se tournent vers Mattie, la seule à pouvoir les aider.

 

Dans cette cité-état au bord de l'effondrement, plusieurs forces s'affrontent. Le clan des Mécaniciens (métaphore de la modernité) et celui des Alchimistes (symbole de la tradition) ; mais aussi les hommes et les femmes ; les étrangers et les habitants d'origine ; les élites et les laissés pour compte. Dans certains secteurs, les ouvriers sont remplacés par des automates. D'autres sont enfermés dans des cages exigües pendant leur croissance pour conserver une petite taille et se faufiler dans les galeries des mines les plus étroites. Les quelques automates doués de conscience ont certes droit à un peu plus de considération, mais une frontière entre eux et les humains persistent. Nombre d'ouvriers voient en eux la perte de leur emploi et leur sont donc hostiles.

 

L'Alchimie de la pierre est un roman résolument féministe où les luttes sociales sont un élément clef. Le récit en lui-même est assez riche. Outre la situation générale de la ville, on suit également l'histoire personnelle de Mattie et sa relation ambigüe avec son ancien maître. Ce dernier n'est pas ouvertement violent avec elle, mais il la garde tout de même sous sa coupe en conservant sa clef. Il l'oblige ainsi à maintenir un lien dont il sait qu'il sera rompu si jamais l'automate devenait totalement indépendante.

 

Il s'agit de mon premier contact avec la littérature de Science-Fiction. Je l'ai plutôt apprécié et l'ai trouvé assez riche et inventif; malgré l'écriture inégale d'Ekaterina Sedia. Si certaines formules et tournures de phrases sont joliment écrites; d'autres en revanche m'ont paru beaucoup plus maladroites. En outre, le roman se termine à mon sens en queue de poisson; le sort de la ville étant laissée en suspens. C'est un peu le risque à mon sens quand l'histoire personnelle d'un protagoniste s'inscrit dans quelque chose de plus large comme la politique d'une ville ou le destin d'un peuple. Lorsque l'histoire du personnage central se clôt avant le récit plus large et qu'il n'est plus possible de poursuivre sans lui ; le roman laisse malheureusement un goût d'inachevé.

 

Ce n'est pas un coup de coeur mais j'ai néanmoins passé un bon moment. Je lui ai trouvé suffisamment d'intérêt pour le lire jusqu'au bout, il m'a donné envie de découvrir davantage de SF.

 

 


Commentaires

 

1. ANAFLORE  le 28-10-2020 à 07:46:19  (site)

Bravo pour la photo du jour

2. christineb  le 01-11-2020 à 18:18:58  (site)

Prends bien soin de toi, bonnes lectures!

 
 
 
 

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