Les lectures de Mina Strogoff

posté le 08-07-2020 à 22:59:45

Dracula, mon amour - Syrie James

"Je sais ce que mon époux veut, ce que veulent tous les hommes. Une femme, célibataire ou mariée, se doit, pour être aimée et respectée, d'être innocente, pure d'esprit, de corps et d'âme. Je l'ai été, jusqu'à ce qu'il entre dans mon existence. Je l'ai craint. Je l'ai méprisé. Pourtant, je n'ai pu m'empêcher de l'aimer, quand bien même j'étais consciente de sa véritable nature et de ses intentions."

 

 

 

Editions Hachette Livre. 545 pages. 

 

Sept ans après la disparition du comte Dracula, Mina Harker prend sa plume pour nous livrer sa version des faits sous la forme d'une confession. Alors que Jonathan Harker se trouve en Transylvanie, elle se rend avec son amie Lucy à Whitby. Sur place, elle fait la connaissance d'un certain Mr Wagner, dont elle s'éprend, mais qui se révèlera être le monstre que ses amis voudront exterminer plus tard. Elle décrit un homme certes dangereux et possédant des pouvoirs extraordinaires; mais aussi un compagnon cultivé et d'une intelligence remarquable. Elle confie l'avoir aimé passionnément, au point d'avoir souhaité devenir comme lui; et se plaît à croire que cet amour fut partagé bien que condamné d'avance.

 

 Dans cette réécriture, Syrie James fait montre d'une bonne maîtrise de l'oeuvre originale de Bram Stoker (que j'ai également lue il y a plusieurs années). Elle prend le partie de nous montrer en quelques sortes les coulisses, son texte restant cohérent avec celui d'origine dans le déroulement des évènements. L'écriture est également agréable à lire, bien que quelques expressions m'aient semblé anachroniques. 

Les personnages sont plutôt bien caractérisés dans l'ensemble. Jonathan Harker, Mina Murray, Lucy Westenra, Abraham Van Helsing ... Tous sont très reconnaissables et leurs personnalités respectives collent bien avec les originaux.  Mina en particulier est très convaincante; déchirée qu'elle est entre son amour sincère pour Jonathan et la passion incendiaire qu'elle éprouve pour Dracula; entre son sens du devoir et son désir de "jeter la prudence aux orties" pour reprendre une expression du texte. Syrie James a, à mon sens, plutôt bien réussi à restituer l'ambiance de l'oeuvre originale; j'ai une préférence personnelle pour les scènes de somnambulisme de Lucy Westenra. 

 


Ce qui m'a un peu plus dérangé dans ce livre, c'est le développement de la relation entre Mina et Dracula. Si j'ai apprécié les débuts qui étaient assez prometteurs, j'ai été déçue par la suite. J'ai trouvé que leur relation perdait beaucoup en intérêt dés lors qu'ils s'étaient avoués leurs sentiments; et j'ai eu beaucoup de mal avec leurs communications par télépathie. En outre, l'histoire personnelle de Dracula dans cette version m'a paru un peu mélodramatique. J'ai eu du mal à avoir de la sympathie pour lui alors que l'objectif était manifestement de le rendre attachant. Cela s'explique aussi probablement par ma sensibilisation personnelle aux relations toxiques; dont toutes les caractéristiques se retrouvent dans ce duo. Dracula se comportant exactement comme le ferait un manipulateur dans une relation abusive, je n'ai pas réussi à ressentir de la pitié pour lui; même lorsqu'il raconte son passé douloureux. Mina, de son côté, illustre très bien la confusion et la culpabilité que peut ressentir la victime de ce type de relation.

D'une manière générale, les romans centrés principalement sur une histoire d'amour ne sont pas ma tasse de thé. Cela se vérifie d'autant plus quand on observe une romantisation ou érotisation de la violence. 

 

 Je disais plus haut que les personnages étaient bien restitués dans l'ensemble; je trouve cependant que cette réécriture ne rend pas toujours justice à l'intelligence du professeur Van Helsing. Celui-ci connaissant l'existence du lien télépathique entre Dracula et Mina, je n'ai pas trouvé cohérent qu'il soit si prompt à boire les paroles de cette dernière. J'ai le sentiment qu'il a, par moment, été rendu plus naïf afin de respecter / justifier le déroulement des évènements.

 

Dans l'ensemble, je dirais que cette réécriture est plutôt sympathique, j'ai passé un assez bon moment. Néanmoins, si la première moitié m'a plu, j'ai trouvé que la suite n'était malheureusement pas à la hauteur.

 

 


 
 
posté le 07-07-2020 à 11:42:42

Bilan de lecture de juin 2020 et objectifs pour juillet

Bonjour à toutes et tous :)

 

Que dire de ce mois de juin ... Ayant un rythme de lecture assez lent par rapport à d'autres, j'ai lu quatre livres ce mois ci.

 

 

 

 

 

Un petit coup de coeur pour Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde, que j'ai adoré autant pour le traitement des personnages que pour l'histoire en elle-même.

J'ai également beaucoup aimé Du Domaine des Murmures de Carole Martinez. Le thème de la réclusion m'avait immédiatement interpelée en lisant la quatrième de couverture. 

L'enquête de Frédéric Martel, Sodoma, m'a paru intéressante également. Là, il s'agit plutôt d'un livre de sociologie qui traite de l'homosexualité dans le clergé catholique. Je l'ai apprécié car il a fait évoluer mon regard sur l'Eglise et son homophobie affichée. Tout prend un autre sens quand on sait qu'une grande partie du clergé est homosexuelle.

 Enfin, une déception avec Mes nuits ne sont pas les vôtres de Dominique Marny, une réécriture contemporaine qui m'a conplètement laissée sur ma faim et que j'ai trouvé assez insipide malheureusement.

 


Mais malgré ce petit flop, ce mois de juin a été bon dans l'ensemble même si pas exceptionnel. Sodoma était sur mon étagère depuis un petit moment et je m'étais fixée comme objectif pour ce mois-ci de lire cette briquasse de 630 pages. Mission accomplie. 

Chacune de mes lectures ayant un article dédié, je mettrai les liens en bas de ce billet pour celles et ceux qui aimerait en savoir plus sur ces oeuvres et ce que j'en ai pensé.

 

  


Pour le mois de juillet, je pensais me fixer comme objectif le défi 7 jours 7 livres. J'ai malheureusement dû revoir mes exigences à la baisse; ayant un déménagement à préparer je n'ai absolument pas le temps de lire un livre par jour en ce moment. Il sera donc pour le mois prochain probablement, une fois que je serai installée dans mon nouveau chez-moi. Je me suis donc fixée comme impératif du mois de juillet de ressortir au moins une lecture que j'avais abandonnée et de la reprendre depuis le début. En fouillant dans ma bibliothèque, j'ai jeté mon dévolu sur Dracula mon amour, de Syrie James, que j'ai acheté dix ans auparavant et dont j'avais lu environ les deux tiers à l'époque :) 

 

 

 

 

Voici les liens vers les articles détaillés des lectures du mois de juin :

 

Ce qu'il advint du sauvage blanc.  http://mina-strogoff.vefblog.net/2.html#Ce_quil_advint_du_sauvage_blanc__Francois_Garde

 

Mes nuits ne sont pas les vôtres.  http://mina-strogoff.vefblog.net/cat2/1.html#Mes_nuits_ne_sont_pas_les_votres__Dominique_Marny

 

Du Domaine des Murmures.  http://mina-strogoff.vefblog.net/cat2/1.html#Du_Domaine_des_Murmures__Carole_Martinez

 

Sodoma, enquête au coeur du Vatican.  http://mina-strogoff.vefblog.net/cat3/1.html#Sodoma_Enquete_au_coeur_du_Vatican__Frederic_Marte

 

 

 


 
 
posté le 04-07-2020 à 22:58:54

Les femmes de l'Islam. Tome 1 : Khadija - Marek Halter

"-Crois-tu qu'on peut se tromper si longtemps sur les dieux?

-L'homme se trompe en comptant ses chameaux, ses femmes et ses espoirs. Pourquoi ne se tromperait-il pas sur les dieux?"

 

 

Editions J'ai lu. 447 pages. 

 

Après la mort de son premier époux, Khadija bint Khowaylid n'a pas d'autre choix que de se remarier pour conserver sa place parmis les riches commerçants de La Mecque. Contre toute attente, elle dédaigne les propositions des puissants et arrête son choix sur Muhammad ibn' Abdallâh, un homme modeste et illettré. Le lecteur suit sur plus de quinze ans l'affirmation du couple dans la société mecquoise, la naissance de leurs enfants, mais aussi les épreuves qu'il traverse quand une série de tragédies s'abat sur le pays (épidémie, canicule, déluge); jusqu'au fameux jour où Muhammad croit devenir fou en entendant la parole divine.

 

Khadija est le premier tome d'une trilogie sur les figures féminines phares de l'Islam, les deux suivants étant consacrés à Fatima et Aïcha. Le roman est segmenté en quatre grandes parties, elles-mêmes divisés en chapitres courts qui rendent la lecture plus dynamique.


 

Je m'intéresse à l'Islam depuis quelques temps. Cependant, je ne suis pas encore très au fait de l'histoire du prophète, et je pense avoir appris un certain nombre de choses. Ce livre m'a donné envie d'approfondir plusieurs points, notamment la cohabitation des religions juive et chrétienne mais aussi des croyances tribales de l'époque; juste avant que les bases de l'Islam soit posées. Au niveau des personnages, ce roman m'a aidée à mieux situer quelques uns d'entre eux dans l'entourage de Muhammad.

 

 

Outre l'intérêt purement historique, les protagonistes sont parfaitement caractérisés (celles et ceux qui me connaissent savent l'importance que je donne à la psychologie des personnages). J'ai énormément apprécié que chacun ait sa personnalité propre, et donc qu'ils ne soient pas interchangeables. Le tempérament fort de Khadija contraste avec la réserve de Muhammad, ce qui fait d'eux un couple très complémentaire et intéressant. Moi qui suis habituellement peu friande des histoires d'amour, j'ai été conquise par ce couple Muhammad / Khadija et leur attachement profond l'un pour l'autre.

 

En tant que femme cette fois, j'ai également été touchée par les questionnements de Khadija bint Khowaylid, qui se font sentir dés le début du roman. Elle a beau faire partie des familles les plus influentes de La Mecque, elle n'échappe pas à sa condition de femme et est très consciente du temps qui lui reste pour donner une descendance masculine à son nouvel époux, de dix ans plus jeune qu'elle. Malgré l'amour sincère que Muhammad lui porte, la fuite du temps est l'une des principales peurs de Khadija derrière son caractère affirmé; ce qui la rend profondément humaine et très attachante.

 

Ce roman est un énorme coup de coeur, aucun point négatif ne me vient à l'esprit (ce qui est plutôt rare). Je lirai très probablement les deux autres tomes de la trilogie. 

 

 


Commentaires

 

1. Christineb  le 05-07-2020 à 08:17:25  (site)

Tu me donnes envie de lire ce livre qui change du cadre habituel de mes lectures. Je vais le noter. Bon dimanche.

 
 
 
posté le 03-07-2020 à 20:05:43

Sodoma. Enquête au coeur du Vatican - Frédéric Martel

"L'histoire intime de ces hommes qui donnent une image de piété en public et mènent une autre vie en privé, si dissemblables l'une de l'autre, est un écheveau complexe à démêler. Jamais peut-être les apparences d'une institution ne furent aussi trompeuses, et trompeuses aussi les professions de foi sur le célibat et les voeux de chasteté qui cachent une tout autre réalité."

 

 

 

Editions Robert Laffont. 631 pages.

 

Résultat d'une enquête de quatre ans, cet ouvrage se propose d'apporter un éclairage tout particulier sur le clergé catholique. L'auteur interroge l'homophobie de l'Eglise d'une part, et l'importante concentration d'homosexuels qu'elle abrite d'autre part. Pour les besoins de ce livre, près de 1500 personnes sont interviewées au Vatican mais aussi dans une trentaine de pays; parmi lesquelles 41 cardinaux, 52 évêques et monsignori, plus de 200 séminaristes etc. A cela s'ajoutent de nombreuses sources (articles et livres); des correspondants, conseillers et traducteurs ont également été sollicités pour mener à bien ce travail d'investigation. Frédéric Martel en tire un certain nombre de "lois", dont la suivante : plus un prélat est homophobe et rigide en public, plus il y a des chances qu'il soit homosexuel en privé.

 

L'ouvrage est découpé en quatre parties, chacune consacrée à un pape : François ; Paul VI ; Jean-Paul II et Benoît XVI.

 

Pour ma part, c'est un livre que j'ai énormément apprécié, car il a fait évoluer mon regard sur les institutions religieuses. Au vu de l'homophobie affichée du clergé, je n'aurais jamais imaginé que la concentration d'homosexuels y était plus élevée que chez le reste de la population. Selon Martel, l'explication se trouve en partie dans le voeu de célibat des prêtres, qui a permis à de nombreux jeunes homosexuels d'éviter l'épineuse question du mariage mais également des persécutions, notamment dans l'Espagne franquiste. De manière assez contre-intuitive pour un observateur extérieur, le sacerdoce a été une bouée de sauvetage. Une preuve supplémentaire, selon moi, que nos intuitions nous trompent régulièrement.

 

La forte concentration d'hommes âgés et homosexuels dans le clergé explique le décalage de ce dernier avec nombre de fidèles; notamment sur la question du mariage religieux, de la contraception, de l'avortement. Sujets qui, rappelons-le, concernent principalement les couples hétérosexuels et les femmes. Il n'est donc pas étonnant que de nombreux croyant-e-s ne comprennent plus le positionnement de leur propre clergé, si déconnecté de la réalité.

 

Malgré des passages répétitifs et quelques chapitres qui m'ont semblé plus longs que d'autres; c'est une lecture que je recommande pour quiconque s'intéresse au fonctionnement des institutions catholiques et à leurs intéractions avec le monde extérieur.

 

 


 
 
posté le 18-06-2020 à 23:31:37

Ce qu'il advint du sauvage blanc - François Garde

"Le visage est ovale, le nez aquilin, la bouche moyenne, le menton fort. Les rides qui le marquent disent les épreuves traversées. Le corps est musclé, sans une once de graisse.

Quoique prévenus, nous fûmes tous surpris à ce spectacle : un Blanc, vêtu d'un pagne, entièrement couvert de tatouages, muet, immobile, et qui nous regardait."

 

 

 

Editions Gallimard. 381 pages.

 

Au début du XIXè siècle, Narcisse Pelletier, un jeune matelot français, est abandonné sur une plage en Australie. Il est retrouvé dix-huit ans plus tard par un navire anglais; il a adopté les moeurs de la tribu qui l'a recueilli, perdu l'usage de la langue française et oublié son nom. Désormais surnommé le "sauvage blanc", il est ramené à Sydney et confié à un compatriote français, Octave de Vallombrun. Ce dernier se donne pour mission de le rendre à sa famille, de le réintégrer dans la société et espère aussi en apprendre davantage sur la tribu qui lui a permis de survivre pendant toutes ces années. Seulement, Narcisse se montre peu désireux de parler et malgré des progrès rapides pour retrouver l'usage de sa langue maternelle, sa réinsertion se révèle bien plus compliquée que ce qu'imaginait Mr de Vallombrun.

 

 

Le roman est partagé en deux temporalités. L'objet de la première est l'abandon de Narcisse sur la plage australienne, puis son intégration progressive dans la tribu. La seconde est située dix-huit ans plus tard, à partir du moment où il est retrouvé par hasard. A travers les lettres de Mr de Vallombrun, le lecteur suit le retour de Narcisse dans la société européenne. Chaque chapitre est divisé entre un épisode relatant les interactions entre le jeune homme et la tribu; et une lettre de Mr de Vallombrun, se situant presque deux décennies plus tard. Le lecteur oscille tout au long du récit entre ces deux lignes temporelles.

 

François Garde a su rendre très vivants  les deux principaux protagonistes, mais aussi donner corps aux membres de la tribu qui ont adopté Narcisse pendant dix huit ans. Le désarroi du jeune homme lorsqu'il se rend compte que son navire l'a abandonné, son espoir de le voir revenir puis ses désillusions sont très palpables et très bien décrites à mon sens.

 Les lettres de Mr de Vallombrun brossent de leur côté le portrait d'un Narcisse plus vieux mais très naïf, de nature douce mais taciturne; et duquel son nouvel ami peine à tirer des informations. Les questionnement d'Octave de Vallombrun qui se font de plus en plus présents tout au long de l'histoire, le rendent très humain et attachant. Lui qui pensait sincèrement bien faire en ramenant Narcisse à sa famille s'aperçoit que cette dernière est plus attachée au souvenir du jeune fils disparu qu'à cet homme plus âgé devenu un étranger. Se pose alors la question de l'avenir de Narcisse, qui se borne à reproduire des codes sociaux sans les comprendre et peine à retrouver sa place. Le ramener en France était-il vraiment la meilleure solution?

 

Malgré quelques longueurs vers la fin, Ce qu'il advint du sauvage blanc est un gros coup de coeur. Le point fort de ce roman est la relation entre Narcisse Pelletier et Octave de Vallombrun, passionnante à suivre et qui nous pousse à nous interroger sur le fossé qui existe parfois entre notre volonté de bien faire et les conséquences réelles de nos actions.

 

 


Commentaires

 

1. Marioromans  le 19-06-2020 à 04:36:03  (site)

Je ne sais pas pour le roman, mais historiquement, ceci arrivait souvent en Nouvelle-France (futur Québec).

 
 
 
 

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